Dans l’histoire de chaque lecteur, il y a souvent une révélation, un livre qui compte différemment des autres. J’imagine qu’on reconnaît un style, qui nous touche particulièrement. Si nous avions été écrivain, quel livre aurions-nous voulu écrire ? C’est l’exercice que nous nous sommes posés au sein de ce petit club de lecture, et voici nos réponses ! J’ai hâte de découvrir les votre dans les commentaires, vous me donnez toujours plein d’idées de lecture.
[red_box] Rendez-vous en bas de l’article pour découvrir le thème du mois prochain. [/red_box]
Le livre que j’aurais aimé écrire :
Chroniqueuse | Livre | Avis |
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Cloé | Petit Pays – Gaël Faye |
Petit pays, c’est l’histoire d’un tout petit pays d’Afrique, le Burundi, vue à travers les yeux de Gabriel, petit garçon puis adulte, qui nous raconte sa vie. Avec ses mots poétiques il partage avec nous l’allée, les copains… Puis, par vagues, la violence envahit sa vie. Ses parents se séparent et soudain l’Histoire fait irruption dans le présent. Hutus et Tutsis se massacrent au Rwanda voisin et la haine se propage. Et le monde de Gabriel change, tout à coup. J’aurais voulu écrire un livre si beau, comme le dirait Neal Cassady, c’est « un truc très beau qui contient tout ». Petit Pays m’a touchée, émue, fait sourire. J’ai eu envie d’en partager des passages à voix haute juste pour le plaisir de sentir les mots rouler dans ma bouche. Gaël Faye m’a fait entrer dans la tête d’un enfant pour qui les massacres ont commencé par une histoire de nez, un enfant qui ne voulait pas prendre parti mais qui n’a pas pu rester neutre, parce que « la guerre, sans qu’on lui demande, se charge toujours de nous trouver un ennemi ». Petit pays est de ces livres que l’on ne lâche pas et que l’on peut lire et relire. Il fascine par l’horreur de son histoire, emporte par la beauté de ses mots. Une chef d’œuvre. Simple, beau, vrai. |
Nolwenn | Harry Potter à l’école des sorciers – J. K. Rowling |
Ah ! En voilà un thème qui donne à réfléchir ! J’aurais aimé écrire Les Misérables de Victor Hugo mais aussi Stève et le chien Sorcier d’Anne Pierjean (livre pour enfants étudié au CE2 et qui m’a beaucoup marquée) ou encore Frankenstein de Mary Shelley, et puis Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur d’Harper Lee, et puis La couleur des sentiments de Kathryn Stockett, et puis Beignets de tomates vertes de Fannie Flagg et puis et puis… Oui il y en a beaucoup ! Mais puisqu’il ne faut en choisir qu’un pour le thème de ce mois-ci, je prends Harry Potter, à l’école des sorciers. Je trouve l’histoire originale et hyper bien écrite. Les personnages sont géniaux et l’univers est incroyable et extrêmement bien travaillé. De plus, les « coulisses » de son écriture me font encore plus l’aimer. En 1997, J. K. Rowling n’a que 32 ans et est une jeune maman divorcée qui vit d’allocations. Avant de reprendre l’enseignement à temps plein, elle passe ses jours et ses nuits à écrire pour terminer enfin ce roman commencé il y a des années. Elle s’installe aux terrasses de cafés et tape à la machine des pages et des pages sur l’histoire de Harry et ses amis. La suite, on la connaît. Ce qui m’impressionne plus que tout c’est que J. K. Rowling ait réussi, en un seul roman, à toucher et à marquer plusieurs générations, à passer des messages qui lui tenaient à cœur ou encore à inspirer de nombreuses personnes. Enfin, elle a prouvé que la persévérance et la patience (et le talent évidemment) nous permettent d’aller très loin. Alors, parce que c’est un roman de qualité à l’univers aussi original qu’unique qui a relevé haut la main le défi de plaire aux grands comme aux petits (et qui continue de le faire 20 ans après), Harry Potter, à l’école des sorciers est LE livre que j’aurais voulu écrire. |
Aline | La vie devant soi – Romain Gary (Emile Ajar) |
La vie devant soi, c’est un condensé de la vie humaine, un court-métrage mêlant des dialogues touchants et des personnages attachants. Le lecteur perçoit le monde à travers les yeux innocents et la voix naïve de Momo, jeune garçon musulman de quatorze ans, que la gentille petite cigogne a déposé dans la pension de la vieille et mourante Madame Rosa, ancienne prostituée. Mais le livre est bourré d’euphémismes : pas de « prostituée » mais des femmes qui « se défendent avec leur cul » ; pas d’ « enfants abandonnés » mais des « gosses nés de travers ». Un subtil travail sur le langage qui vous projette dans la tête du jeune garçon : la perception de la réalité est pure, débarrassée de toute analyse trop adulte qui pourrait contrefaire la compréhension de ce monde bigarré et multiculturel. Une prostituée ? Pouah, quelle horreur diront certains… Moui mais la prostituée est un personnage littéraire de premier plan : Nana, Boule de Suif, Fantine dans Les Misérables… Et dans cette fameuse pension très spéciale où les prostituées abandonnent leurs rejetons, on croise des prostituées bien sûr mais aussi des transgenres, des orphelins, des vieillards… Une espèce de monde miniature étrange et familier à la fois. Et la marginalité de ces personnages dévoile souvent leur profonde humanité. Au milieu de tout ça : Momo, qui parle à tout le monde et à qui tout le monde parle, nous délivre sa vision touchante et décalée de la réalité. Le livre parvient ainsi à évoquer tous les sujets tragiques du siècle : les camps de concentration (Madame Rosa est juive et a connu l’horreur d’Auschwitz), le racisme, l’euthanasie, la prostitution, les enfants abandonnés, l’exclusion… Mais pour moi, ce livre est avant tout la recherche d’une identité à travers les autres : trouver les autres pour mieux se trouver soi-même. Parler au monde pour mieux se parler à soi-même. Se nourrir des autres pour se digérer soi-même. Car l’essentiel du livre est tourné vers la relation quasi maternelle qui se construit entre Madame Rosa et Momo : Madame Rosa, une vielle femme généreuse, tolérante et d’une bienveillance infinie ; Momo, une jeune garçon innocent, égaré et d’une sincérité infinie. Entre eux : un lien de confiance, de respect, et d’amour. Qui atteint son paroxysme dans les dernières pages, à lire et à relire ! Alors pourquoi aurais-je aimé écrire ce livre ? Parce qu’il révèle la beauté d’un monde perverti. « Je pense que Monsieur Hamil avait raison quand il avait encore sa tête et qu’on ne peut pas vivre sans quelqu’un à aimer, mais je ne vous promets rien, il faut voir. » |
Noémi | Le monde selon Garp – John Irving |
Le monde selon Garp est le quatrième roman de John Irving, le premier que j’ai lu de lui, en seconde. Ça a été une révélation ! J’aime les auteurs ou cinéastes qui explorent les mêmes thèmes dans toutes leurs oeuvres, ce petit côté obsessionnel qui fait qu’on reconnaît leur style immédiatement. C’est le cas d’Irving. Parmi les sujets récurrents, on retrouve : les ours, la famille, les accidents de voiture, la perte d’un enfant, la lutte, les écrivains, les prostituées, les mères célibataires… Dans Le monde selon Garp, Irving raconte toute la vie de Garp, depuis sa conception (assez originale) à sa mort. Élevé par une mère célibataire, icône féministe sans le vouloir, il devient prof de lettre et écrivain. Plusieurs de ses romans (dont une nouvelle complète) sont d’ailleurs intégrés au récit. L’histoire de Garp est aussi celle de l’époque dans laquelle il vit, l’Amérique des années soixante-dix. Au delà de l’histoire passionnante, le style d’Irving est unique. Il a une manière d’annoncer un drame à venir sans le nommer que j’adore. Avec ma soeur, nous nous sommes longtemps amusées à nous écrire des histoires à sa manière, et j’en garde un souvenir très particulier. Quand il est sorti, j’ai également adoré Dernière nuit à Twisted River, mes envies d’écriture me reviennent systématiquement dès que je lis Irving. C’est l’écrivain qui m’inspire le plus. Le monde selon Garp est définitivement le livre que j’aurais aimé écrire ! |
Camille | Les jours de mon abandon – Elena Ferrante |
Les jours de mon abandon, ouvrage moins médiatisé et pourtant très fort de la célèbre auteure de « L’Amie prodigieuse », Elena Ferrante, est un récit mené à la première personne. C’est Olga, trente-huit ans, mariée, deux enfants, qui mène la narration. Au début de l’œuvre, cette épouse à la vie exemplaire est quittée par son mari, « abandonnée » du jour au lendemain pour une femme plus jeune. Rien de très original jusque là, et ce n’est effectivement pas dans l’intrigue qu’il faut chercher la perle : il n’y en a pas, ou si peu. Une rencontre ça et là, des accidents de parcours, des scènes de violence résultat d’une tempête intérieure qu’Olga ne contrôle pas. Ce n’est que le récit d’un deuil difficile, d’une lutte qu’elle mène en son for intérieur, contre le désespoir d’abord, et puis contre la folie. Et quand Olga n’a plus la force de lutter, c’est son effondrement qui nous est raconté. Par elle, toujours, et c’est là que réside la force de ce récit. C’est dans la manière dont il est mené. L’auteure nous plonge dans les pensées les plus intimes d’une mère de famille soudainement abandonnée, et elle ne nous épargne rien. Le lecteur suit le fil de ses pensées et l’on sait tous que nos pensées sont souvent loin d’être exemplaires. Souvent donc, on s’applique à les taire. Ici, elles sont exposées dans leur plus grande cruauté. Au point de nous choquer. Le point culminant de la narration est ainsi marqué par la violence de son vocabulaire, une vulgarité exacerbée et une haine non dissimulée qui n’épargne pas même les enfants de l’intéressée. Tout y passe, rien n’est négligé, et c’est tant dans ce qui est raconté que dans la manière de le faire qu’est partagée la douleur d’un mariage qui a échoué. Cette lecture est difficile, j’ai plusieurs fois reposé le livre de Ferrante, en colère, m’interrogeant sur la nécessité d’une telle brutalité. Mais c’est une lecture qu’il faut poursuivre jusqu’au bout pour en saisir tout l’intérêt, les réelles qualités. L’auteure va loin dans le partage des émotions de cette épouse trompée et elle le fait je crois avec un certain courage qui me plaît et qui explique la présence de cet ouvrage parmi la liste de ceux que j’aurais aimé écrire moi- même. Elle expose la laideur sans retenue, rassérénée peut-être par un anonymat qu’elle revendique, et qui a crée la polémique au mois de janvier dernier. |
Krys | Le Seigneur des Anneaux – J.R.R. Tolkien |
Le livre que j’aurais tant voulu écrire c’est Le Seigneur des Anneaux, la trilogie de Tolkien. Quand je le lis, je suis chaque fois transportée dans un autre monde. On y retrouve les thèmes universels que sont l’amour et l’amitié. Il y a aussi la question de l’acceptation de l’autre, cet inconnu qui fait peur car différent de ce que nous connaissons et l’enrichissement que nous pouvons en tirer (toute ressemblance avec le comportement envers les migrants, la communauté gay…) ; c’est aussi se lever et se battre pour nos idées et notre liberté, ce livre à été écrit en 1954 mais tout est encore d’actualité… Au-delà de ces leçons de vie, il y a la multitude de détails sur les lieux et les personnages qui deviennent vivants dans notre imagination. On dévore les livres pour savoir si Frodon va y arriver, pour rester dans ces magnifiques paysages, il y a la beauté des Elfes, la rudesse et l’humour des nains, le charisme d Aragorn et l’impétuosité de Boromir. Nous suivons la Compagnie des Neuf : Frodon, Sam, Merry, Pippin, Legolas, Gimli, Boromir, Aragorn et Gandalf dans la féerie, les combats, l’aventure de l’Anneau et finalement il y a dix marcheurs puisque nous marchons pas à pas avec eux. |
Le thème du prochain club de lecture : « Mon dernier coup de coeur littéraire »
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C’est qu’elle m’a donné drôlement envie Aline avec son commentaire sur La vie devant soi, à mon prochain passage à la bibliothèque ;)